La Catalogne est sur le pied de guerre. Face à la menace de voir son nouveau statut d'autonomie tronqué par la justice espagnole, la société civile catalane est montée au créneau pour soutenir une classe politique déjà mobilisée. L'enjeu est d'importance et met dans l'embarras le gouvernement de José Luis Zapatero.
Après trois ans de délibération et d'atermoiement, le Tribunal constitutionnel doit prendre de façon imminente - la date exacte n'est pas connue - une décision cruciale sur ce texte. Celui-ci redéfinit les relations entre l'Espagne et la Catalogne, et élargit les pouvoirs de cette région prospère. Les neuf magistrats planchent sur un recours déposé par les conservateurs du Parti populaire, opposé au Statut, le statut d'autonomie. Près de quarante articles risquent d'être annulés dont celui très symbolique qui qualifie la Catalogne de «nation». Vu de Barcelone, il n'est pas question de revenir sur le sacro-saint Statut, approuvé en 2006 par le Parlement catalan et validé par référendum populaire. La société catalane a lancé une fronde sans précédent pour avertir que toute modification serait «inacceptable» et susceptible de remettre en cause la bonne entente catalano-espagnole. Syndicats, patronat, intellectuels et même le célèbre club de foot FC Barça ont apporté leur soutien à un virulent éditorial publié dans douze journaux catalans.
Véritable pavé dans la mare, l'article met en avant «la dignité de la Catalogne» : «Il y a de la préoccupation en Catalogne et il est nécessaire que toute l'Espagne le sache (…). Il y a aussi un croissant ras-le-bol de devoir supporter le regard courroucé de ceux qui continuent à percevoir l'identité catalane comme un défaut de fabrication empêchant l'Espagne d'atteindre une impossible et rêvée uniformité», peut-on lire dans le grand quotidien La Vanguardia.
Version édulcorée
Les Catalans redoutent une version édulcorée du texte originel. Les juges du Tribunal constitutionnel pourraient en effet éliminer les «droits historiques» de la région, le terme de «nation» inscrit dans le préambule et les références aux symboles (drapeau, hymne…). Autre point polémique, l'apprentissage de la langue catalane risque de cesser d'être «à caractère obligatoire» pour tout résident en Catalogne. Avec le nouveau statut, le catalan cohabite avec le castillan comme langue officielle. Toucher à ces articles serait casus belli, ont averti la plupart des partis politiques catalans, à l'exception du Parti populaire (PP, droite), très minoritaire dans la région. Le parti Esquerra Republicana au pouvoir régional en coalition avec les socialistes catalans (PSC), a mis en garde contre une décision négative de la justice espagnole : «Nous appliquerons le texte à la lettre quelle que soit la décision des magistrats». Un député de ce parti a averti qu'un tel jugement «accoucherait d'une machine à fabriquer des souverainistes».
Ce tapage politico-médiatique tombe au pire moment pour le socialiste Zapatero, qui est déjà très affaibli par la crise. La tension risque sans doute de monter d'un cran, le 13 décembre prochain, lors du référendum sur l'indépendance de la Catalogne, organisé dans 160 municipalités. Même si ce scrutin est dépourvu de valeur juridique, il permettra de tâter le pouls du potentiel électorat nationaliste.
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